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Pourquoi accompagner les organisations déjà existantes est-il aujourd’hui aussi stratégique que de créer de nouveaux projets à impact ?
’’Thomas Egli :’’ Beaucoup d’organisations ont déjà une base solide — des équipes, des partenaires, des savoir-faire. Ce qu’il leur manque souvent, c’est l’alignement sur les nouveaux cadres de l’économie à impact. Transformer un acteur déjà établi, c’est accélérer la transition globale : on ne recrée pas tout, on redirige les flux, les compétences et les modèles économiques vers la résolution des Objectifs du Développement Durable. C’est une approche de réinvention intelligente, pas de rupture brutale.
Comment évaluez-vous le potentiel d’impact d’une entreprise ou d’une ONG déjà en activité ?
’’Thomas Egli :’’ Nous commençons toujours par une évaluation AGILE, selon les cinq familles de critères : Alignement, Gouvernance, Intention, Leadership et Efficacité. Cela permet de distinguer les organisations qui agissent sur les causes sources de celles qui n’agissent que sur les symptômes. C’est une analyse lucide et constructive, qui fait apparaître les leviers rapides de transformation et les zones de progression.
Quelles sont les premières étapes pour engager un projet traditionnel dans une démarche d’impact ?
’’Thomas Egli :’’ La première étape, c’est le diagnostic du modèle économique actuel. Où se crée la valeur ? Pour qui ? À quel coût environnemental et social ? Ensuite, nous reconfigurons la chaîne de valeur pour créer de la valeur partagée : avec les fournisseurs, les partenaires financiers, les bénéficiaires. C’est un travail de design stratégique, où l’on garde le cœur de métier mais on change la logique de performance : gagner parce qu’on résout, et non plus malgré les externalités.
Quelles résistances rencontrez-vous le plus souvent chez les dirigeants ou les équipes ?
’’Thomas Egli :’’ Auprès des entreprises, la peur de “ralentir”. Beaucoup pensent encore que durabilité rime avec contrainte. Nous démontrons l’inverse : l’impact augmente la performance. Une entreprise qui optimise ses ressources, anticipe les normes et renforce sa réputation est plus compétitive. Dans les ateliers du Forum, cette peur tombe vite, car les dirigeants échangent entre pairs, avec d’autres qui ont déjà fait cette mutation et en mesurent les bénéfices tangibles.
Auprès des ONG, la difficulté de sortir d’un modèle vertical, qui se met en branle uniquement à la suite d’une subvention ou d’un appel à projet. Cette logique, issue du financement par “grant”, freine souvent l’autonomie stratégique. Nous travaillons avec les ONG et les Organisations Internationales, mais aussi les Agences de l’ONU pour développer des modèles économiques durables où l’impact social ou environnemental, les objectifs premiers de l’organisation, deviennent une source de revenus : mutualisation de services, innovation frugale, low-tech, réplicabilité locale, partenariats avec le secteur privé, ou création de spin-off économiques éthiques 100% alignés sur leur mission. L’objectif est de leur redonner la capacité d’initiative et de planification à long terme — bref, de les faire passer d’une logique de dépendance à une logique d’influence et de durabilité.
Comment aidez-vous les acteurs économiques à intégrer l’impact dans leur modèle financier ?
’’Thomas Egli :’’ Nous travaillons sur la modélisation hybride : partenariats public-privé, blended finance, capital patient, royalties à impact… L’objectif est que le modèle économique soit rentable par le fait même de résoudre un problème global. Nous accompagnons aussi la conception d’indicateurs financiers d’impact — des outils de pilotage qui parlent à la fois aux investisseurs et aux dirigeants. L’impact devient un moteur de profit durable, et non un centre de coût.
Quels types d’outils ou de méthodologies utilisez-vous pour accompagner cette transition ?
’’Thomas Egli :’’ L’outil AGILE bien sûr, mais aussi le Business Model Canvas à impact, le Cadre logique consolidé, des analyses de matérialité, et des processus de co-création inspirés du design thinking ou encore bien sûr des success stories modélisables. Ces outils sont intégrés dans un parcours de transformation sur mesure, où chaque organisation avance à son rythme, du diagnostic initial jusqu’à la modélisation financière. Le Forum n’est pas un colloque, c’est un accélérateur de réalisations.
Comment le Forum de Genève favorise-t-il la rencontre entre projets, investisseurs et politiques publiques ?
’’Thomas Egli :’’ Chaque conférence du Forum agit comme une plateforme d’intermédiation à l’ONU : les projets rencontrent des représentants d’États, des fonds institutionnels, des philanthropes et des entreprises internationales. Les thématiques facteurs clés du Forum de Genève — droits de la nature, finance à impact, diplomatie citoyenne, tourisme régénératif... — permettent aux organisations d’aligner leur stratégie sur les cadres globaux tout au long du déroulement de la semaine tout en trouvant des partenaires opérationnels. C’est la Genève Internationale, en mode ultra collaboratif qui décloisonne tous les silos.
Comment mesurez-vous la progression d’un projet en transition vers l’impact ?
’’Thomas Egli :’’ Nous co-construisons des KPI d’impact avec les équipes dirigeantes : part du chiffre d’affaires issue d’activités régénératives, nombre de bénéficiaires, volume d’émissions évitées, retombées économiques locales, niveau d’alignement sur les ODD. Ces indicateurs sont intégrés dans une feuille de route AGILE et suivis sur plusieurs années. Cela transforme la gouvernance : l’impact devient un critère de performance managériale.
Quelles erreurs les organisations commettent-elles le plus souvent lorsqu’elles tentent d’aller vers l’impact ?
’’Thomas Egli :’’ La première, c’est de vouloir ajouter un “volet durable” à un modèle ancien, sans en revoir la logique. L’impact ne s’ajoute pas : il redessine le moteur. La seconde, c’est de penser qu’on peut tout faire seul. L’impact est systémique : il se construit en réseau, avec d’autres acteurs, d’autres secteurs, parfois même d’anciens concurrents. L’une des forces du Forum, c’est précisément de créer ces passerelles inédites.
Quelle est la valeur ajoutée du Forum de Genève dans cet accompagnement ?
’’Thomas Egli :’’ Nous ne vendons pas une méthode : nous mettons en mouvement et en oeuvre directement. Au Forum, les dirigeants repartent avec des modèles redessinés, des feuilles de route concrètes, des partenaires de confiance et parfois déjà des opportunités de financement. C’est une expérience d’intelligence collective qui transforme les organisations de l’intérieur, en leur donnant les moyens de réconcilier performance, utilité et influence.
À travers son approche rigoureuse, ses outils éprouvés et son ancrage à l’ONU, le Forum de Genève se positionne comme un acteur clé de la transformation vers l’économie d’impact.
Pour les dirigeants d’entreprises, les responsables d’ONG et les investisseurs institutionnels, il offre un espace où les modèles d’hier deviennent les leviers de demain — un lieu où les organisations apprennent à générer du profit en produisant de la valeur durable.
